vendredi 29 juillet 2011

NAISSANCE


Il est une parure pour elle.
Elle est une parure pour lui.
Et Allaah les couvre de Sa Miséricorde.
Un couple qui témoigne d’une immémoriale harmonie.
Les yeux de l’épouse s’adressent au coeur et à l'esprit.
Sa peau couleur de miel se marie parfaitement avec sa douceur.
Son foulard donne à sa beauté une force sereine.
Son visage, sa façon d'accompagner sa parole de gestes lents, son sourire, l'éclat de ses dents, son corps lui donnent une grâce particulière.
Elle aime les parfums.
Chaque fois qu’elle ouvre un flacon, elle ferme les yeux, passe du temps à sentir, et vit un moment de recueillement, une invocation.
L’époux partage intensément cet instant et d’autres.
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Un chuchotement le sort de sa rêverie :
─ Je suis un champ, et en moi germe la semence.
Lorsque son épouse s'est penchée et lui a chuchoté ces mots, il s'est passé ceci:
À la seconde même qui a suivi le chuchotement, tout son être a chanté la Louange devant ce miracle inouï, et exprimé la Reconnaissance au Créateur.
« Il vous a créés d’un seul être[1] dont Il a créé l’épouse et par eux multiplié les hommes et les femmes ».[2]
Ensemble, l’époux et l’épouse continuent la Marche.
Avec d’autres
De tous les horizons.
De toutes les conditions.
De tous les âges.
De toutes les couleurs.
Des hommes.
Des femmes.
Des enfants.
La nuit n'était pas encore tout à fait remplacée par le jour lorsque l'appel à la prière s’est répandu.
─ Attendez-moi, attendez-moi.
Après la prière, ceux et celles qui ont entendu cette voix, avaient l’impression de la reconnaître.
L'homme courait de toutes ses forces et dans sa course, semblait être sur les cimes.
─ Attendez-moi, attendez-moi.
Lorsqu'ils se sont tournés vers lui comme un seul corps, il s’est arrêté à son tour.
Tout près d'eux déjà.
Ils ont d'abord vu ses yeux.
Comme de l'eau claire.
─ Ils ont voulu m'interdire le chemin.
Il s’est mis à marcher lentement vers eux pour combler la petite distance qui les séparait encore.
Dans ses pas, ils ont reconnu le rythme qui est celui des leurs.
À leur tour, ils se sont mis à avancer vers lui.
─ Ils ont voulu m'empêcher de vous rejoindre.
Les marcheurs l’ont entouré et l’ont regardé comme pour lui dire de continuer, et il a continué :
─ Ils ont voulu me priver du rythme.
De la moisson.
J’ai craché sur leurs idoles.
J’ai proclamé la fin de leurs dieux.
Ils ont tout fait pour m’anéantir.
Ils m'ont volé la paix.
J'ai erré.
J'ai erré longtemps.
J'ai cherché.
J'ai cherché longtemps.
J'ai souffert.
J'ai souffert longtemps.
Mais je n'ai pas désespéré.
─ J’ai réappris à Aimer.
Aimer à retrouver la Raison.
Il était enveloppé dans un long habit vert, et n'avait aucune trace de fatigue.
Des enfants lui ont demandé cependant de s’asseoir et lui ont servi à boire.
Une femme s’est mise devant lui et lui a dit :
─ Par le simple fait d'être, nous déclenchons en eux une peur indescriptible.
Ils ont de plus en plus peur et n’ont jamais cherché à regarder au-delà d’eux-mêmes.
Ils refusent de se souvenir de Demain.
L'homme aux yeux comme de l'eau claire s’est levé, a embrassé des enfants sur le front, a lancé un rire qui s’est mélangé instantanément avec les autres rires et a dit :
─ Ils combattent ce devant quoi ils devraient se prosterner dans la poussière.
Je viens avec vous et chantez pour moi le chant de la Naissance.
Les paroles venaient de son coeur et c'est des coeurs que s'est élevé le chant de la Marche:
NAISSANCE À L’AUBE.
Combien sont-ils ?
Depuis combien de temps marchent-ils ?
Cela n'a pas d'importance.
Ce qui compte, c'est ce dont ils témoignent.
« Les médias », à coup de rappels historico-économico-politico-socio-cul-turels et autres répètent que « ces gens marchent pour l’islamisme, l'intégrisme le terrorisme, et donc l’antisémitisme »,[3] et soulignent qu’aucun groupe n'a jamais posé autant de « problèmes » dans le monde.
« Les experts » ajoutent :
─ Vous vous rendez compte de la catastrophe ?
─ Laquelle ?
─ Eeuuh.
Plus tard, pendant des ablutions, de mémoire de fleuve, jamais tant de personnes en même temps ne se sont lavées ici avec tant de ferveur.

ALLAAH AKBAR.
ALLAAH EST LE PLUS GRAND.

Au même moment, les oiseaux ont répandu le chant du jour naissant.
Le fleuve se voyait couler dans les yeux de la multitude et sa mélodie se pressait pour se mélanger à albahr alabyad almotawassite, la mer blanche intermédiaire, la mer méditerranée.
Et il en fut ainsi :
Tous ceux qui ont entendu ce jour-là la mélodie du fleuve, tout le long de son parcours, ont senti dans leur poitrine des battements tels ceux du coeur de la mère, que l’enfant béni garde en lui.
Du temps a succédé au temps.
Ont défilé des visages et des paysages.
Il y a eu du soleil et de la pluie.
Des joies et des peines.
Mais pas de désespoir.
Cette Marche de la Vie ne connaît pas le désespoir.
Après la prière, l’épouse enceinte s’est étendue.
Un cercle s’est formé autour d’elle.
Une femme s’est dégagée, avançant lentement, et ce fut comme si tous ceux qui formaient le cercle avaient été en elle pour voir ce qu’il faut voir avec le coeur.
Et dès le début des caresses de la femme sur le ventre de la future mère, l'accouchement a commencé.
Au bout d'un moment, le père s’est dégagé du cercle.
L'enfant dans les bras de sa mère agitait ses mains comme s'il voulait attraper le ciel.
─ C'est une fille, dit la mère.
Le père a posé un baiser sur le front de son épouse, a pris sa fille avec émotion, l'a embrassé sur les yeux et lui a récité aladaane[4] dans l’oreille droite, et aliqaama[5] dans l’oreille gauche, pendant que ses larmes de père brillaient comme des perles au milieu de l'aube.
─ Elle est saine, comme toi, a-t-il dit ensuite à la mère.
Et la fille a été prénommée Saliima.[6]
Une voix chante la Générosité d’Allaah dans la beauté du ciel, la puissance des montagnes, la luminosité des neiges, l'éclat du soleil, la grandeur des arbres, les parfums des fleurs, les bienfaits des herbes, la tendresse des femmes, la chaleur d’aloumma.[7]

BOUAZZA

[1] D’un seul et même souffle (nafs waahida).
[2] Alqoraane (Le Coran), sourate 4 (chapitre 4), Anniçaa-e, Les Femmes, aayate 1 (verset 1).
[3] Des insultes proférées par des ennemis des croyants et des croyantes (almouminoune wa almouminaate), pour entretenir l’imposture.
[4] L’appel à la prière.
[5] Le deuxième appel à la prière.
[6] Saine.
[7] La matrie, la collectivité.
Se reporter à mon texte intitulé "Ainsi parle un Musulman de France né au Maroc", daté de 1992.
Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/
http://laroutedelafoi.blogspot.com/

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