mardi 12 juillet 2011

LA LANGUE DE LA VIE


Je connais un enseignant de musique dans une commune du département de la Drôme à qui j’ai adressé aujourd’hui même, ces quelques lignes :
Je viens de relire pour la énième fois « Les Boucs » de Driss Chraïbi.[1]
Un livre qui n’est jamais tout à fait le même, ni tout à fait un autre.
Il se peut que tu t’y intéresses un jour, pour saisir le rythme, l’intensité, la gravité et autres.
J’ai souvenir de t’avoir offert cet écrit il y a de cela toute une vie, en te suggérant d’envisager une composition musicale.
Un jour peut-être.
Un jour peut-être, il en sera ainsi :
« Le luth, il le fit glisser sur ses genoux en un geste très lent, comme s’il se fût agi d’un enfant endormi. Les cordes, il les effleura du bout des doigts pour les réveiller. Puis il leur fit donner de la voix, à plein. Et voici : le passé rejoint le présent, l’instrument devient aussi vivant que l’arbre plein de sève qui lui a jadis offert son bois. Quatre cordes en boyau de chat, tendues à rompre. Placée au centre, la cinquième est en crin de cheval tressée : le bourdon. Naissant à partir de ce bourdon et y revenant à intervalles réguliers, à la fois pour y mourir et pour en renaître, monte la langue de la vie, musicale charnellement, monte, scande et bat selon l’alternance du jour et de la nuit, selon le déroulement des saisons, le flux et le reflux de tous les océans du monde, le déferlement des vents issus des quatre horizons du ciel, danse la mélodie de l’arbre du Destin, danse et vibre en flots ininterrompus de pulsations l’éternité sans durée. Sans néant ».[2]

BOUAZZA


[1] Paris, éditions Denoël, 1955.
[2] Driss Chraïbi, L’homme qui venait du passé, Paris, Denoël, p. 122.
Voir :
http://raho.over-blog.com
http://paruredelapiete.blogspot.com
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com
http://laroutedelafoi.blogspot.com

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