jeudi 1 septembre 2011

LMLHOUNE

Dernièrement, le père de l’épouse de l’un de mes neveux,[1] m’a envoyé avec sa fille un livre sur « lmlhoune ».[2]
Une sorte de littérature dite populaire chantée avec un accompagnement musical, dont la naissance et l’essor, sont attribués à des artisans.
Elle a vu le jour paraît-il au Mghrib,[3] au 15ème siècle.[4]
Les thèmes véhiculés sont divers et se présentent sous forme de « qaçaa-ide »,[5] se référant à l’Islaam[6] par exemple, à des faits historiques, à l’attachement au pays, au travail, et aussi à des choses immorales.[7]
Je ne connais pas grand-chose à cette littérature, et j’ai été étonné de constater que des ouvrages de cette nature lui soient consacrés et édités au Mghrib.
Je pensais vaguement que « lmlhoune » avait un lien avec « ttarab l-anedaloçiyy »,[8] chants accompagnés de musique, pratiqués en Espagne au temps de la présence dite « musulmane », et transportés au Mghrib.
Mais il n’en est rien semble-t-il.
J’ai adressé un « mail » à une de mes sœurs,[9] installée à ddaar lbiidaa[10] pour lui signaler ce livre et lui dire qu’il m’a fait penser à ma belle-mère qui m’a fait découvrir le peu que je connais du « mlhoune ».
J’étais jeune adolescent et ma belle-mère qui passait du temps à écouter « lmlhoune » à la radio, connaissait certaines « qaçaa-ide » par cœur et nous en parlait parfois.
Depuis le « mail », cette sœur est arrivée en France pour installer sa fille, jeune bachelière venue pour entreprendre des études universitaires.
Elle m’a fait écouter sur le portable de ma nièce, un très court enregistrement réalisé par sa mère, spécialement pour moi.
À la fin de ce très court enregistrement de quelques mots d’une « qaçiida »,[11]ma belle-mère me faisait part de son souhait qu’il me serve à ne pas l’oublier après sa mort.
Je découvrais, étonné, une voix saisissante.
Ma sœur qui l’a eue au téléphone le jour même, me l’a passée.
Elle m’a encore parlé de sa mort.
J’ai répondu que la mort est au bout du parcours de chacun ici-bas.
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
J’ai revu une photo des années cinquante.
Je me tenais debout à sa gauche.
Je devais avoir quatre ans et elle dix-neuf., souriante sous un abricotier[12] du jardin de la maison que nous occupions à Tafraoute.[13]
Elle n’avait pas dix sept ans lorsqu’elle est devenue la femme de mon père.[14]
Aujourd’hui, elle en a soixante seize ans.
Il y a quelque temps, j’avais écrit ce texte[15] mis sur le « blog » :
Mère et belle mère.
Une m’a enfanté et on m’a arraché à elle.
L’autre m’a élevé et je l’ai peu connue.
La force physique baisse.
Les yeux ont été opérés.
Deux mères aujourd’hui âgées, sentant approcher le bout du chemin ici-bas.
Je pense à elles et j’invoque Allaah pour qu’Il les couvre de Sa Miséricorde et ne les prive pas de la vue : la Vraie.
« La cécité n’atteint pas les yeux, mais les cœurs qui sont dans les poitrines ».[16]
Depuis, le temps imparti par Allaah à ma mère ici-bas s’est achevé.[17]
Celui qui nous est imparti va s’achever aussi, et Seul Allaah sait à quel moment chacun d’entre nous va rejoindre l’au-delà.
Qu’Allaah nous éclaire, nous guide, et fasse que nous soyons parmi les heureux.[18]

BOUAZZA


[1] Enseignant universitaire et journaliste, qui me consacre du temps chaque fois qu’il est de passage en France.
[2] Fouad Guessous, Anthologie de la poésie du Melhoun marocain, éditions de l’association 1200ème anniversaire de la fondation de la ville de Fès, 2008.
[3] Le "r" roulé, Maroc.
[4] Selon le calendrier dit Grégorien.
[5] Pluriel de "qaçiida", qui peut se traduire par poème.
[6] L’Islaam consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
[7] Fawaahich, pluriel de faahicha.
Alfahchaa-e (l’immoralité), fahcha-e (immoralité).
[8] Attarab al-anedaloçiyy (le "r" roulé), la musique dite andalouse.
[9] La deuxième fille de la troisième épouse de mon père.
[10] Casablanca.
[11] Singulier de "qaçaa-ide".
[12] Je parle d’un abricotier parce que je crois que c’est souvent ce que j’ai entendu dire.
[13] Tafraout (le « r » roulé) : petit village à l’époque, dans les montagnes dites de l’Anti-Atlas au Maghrib.
Se reporter à mon texte intitulé "Tafraoute".
[14] Se reporter à mon texte intitulé "Ma belle-mère".
[15] Intitulé "La vue".
[16] Alqoraane (Le Coran), sourate 22 (chapitre 22), Alhajj, Le Pèlerinage, aayate 46 (verset 46).
[17] Le samedi 28 juin 2008.
[18] Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/
http://laroutedelafoi.blogspot.com/





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